29 Nov 2018 : Un millésime de contraste
De mémoire de vigneron, le millésime 2018 aura été exceptionnel par bien des aspects !
Une première partie de saison marquée par un déficit en pluie …
Petit retour en arrière sur l’automne 2017. De septembre à décembre, la pluviométrie a été très modérée sur l’ensemble du vignoble Languedocien et sur la Vallée du Rhône. Les réserves en eau des sols sont donc très déficitaires et les nappes phréatiques sèches à l’issue de cette saison.
Suivie de périodes de pluies très régulières alternant avec des épisodes de grêles de janvier à juin !
Janvier et février nous ont apporté l’eau tant désirée avec des cumuls excédentaires à très excédentaires. En parallèle, les températures sont très douces ; janvier est même le mois le plus doux pour Montpellier depuis 1960. On se rappelle également tous de l’épisode neigeux exceptionnel des 27 et 28 février. Puis, plusieurs épisodes de grêle ont touché le vignoble au mois de mars avec plus ou moins de conséquences.
Le printemps démarre avec des températures globalement fraîches pour la saison, et surtout des pluies continues jusqu’au début du mois de juin (le mois de mai a souvent cumulé plus de 100 mm d’eau). Les vignes commencent donc leur stade végétatif tranquillement et sans avance (contrairement à 2017).
Les assimilations minérales printanières étaient meilleures cette année (pour l’azote notamment), même si l’humidité des sols a pu entraîner localement des chloroses ferriques. En mai, les températures moyennes sont très proches des normales avec une alternance de périodes très chaudes et très froides (épisodes neigeux). Plusieurs épisodes de grêle ont de nouveau touché le vignoble : dégâts signalés début mai sur le secteur de St Chinian par exemple, mais également sur les vignobles du Ventoux et du Lubéron.
La première moitié du mois de juin reste fraîche, avec de la grêle le 7 juin sur le vignoble de la Basse Vallée de l’Hérault qui a provoqué parfois des éclatements de baies. La deuxième moitié est plus chaude. Dans l’ensemble, le mois de juin reste très pluvieux.
Enfin, la chaleur revient au mois de juillet, avec encore quelques pluies localisées. La troisième décade de juillet annonce le début de la sécheresse qui se poursuivra au mois d’août (avec un épisode caniculaire qui en marquera le début) puis tout au long du mois de septembre. Des orages ponctuels mais parfois intenses se sont déclenchés dans le nord du Gard et le Vaucluse le 9 août, à la fin de la période très chaude.
Une pression sanitaire exceptionnelle !
Évidemment, ces conditions météorologiques très particulières ont fortement impacté le travail au vignoble. Il a été très difficile d’entretenir les sols, l’humidité a favorisé le développement du mildiou.
Ainsi rapidement (dès fin avril – début mai), les premières taches de mildiou sont apparues au vignoble, en particulier sur les cépages sensibles comme le grenache. Les alternances de pluies et de périodes chaudes ont ensuite bien profité à ce champignon. L’état des sols et la succession des pluies ont bien sûr accentué la difficulté à maîtriser ce mildiou. Des pertes directes de récolte ont rapidement été observées après floraison. En fin de saison, c’est le rot brun qui a fait son apparition entrainant des baisses tardives et importantes de rendement (notamment sur les merlots peu impactés en début de saison). Si les dégâts ont été plus marqués sur les vignobles conduits en agriculture biologique (avec les limites du caractère préventif du cuivre contre le mildiou), ils ont également touché des vignes en conventionnel. Cette pression du mildiou est inédite ! Notamment sur un si vaste pourtour méditerranéen (des Pyrénées Orientales à la Provence).
D’autres problématiques ont été rencontrées plus localement : l’oïdium est toujours au rendez-vous. On a vu également quelques dégâts de vers de grappes à la fin du mois d’août (Eudemis, ainsi qu’une nouvelle tordeuse à surveiller, Cryptoblabes : on trouvait cette tordeuse déjà dans les Costières de Nîmes, elle arrive aux portes de Montpellier).
Des rendements très variables d’un secteur à un autre …
Les sorties en début de saison étaient particulièrement belles, en particulier sur les grenaches qui s’annonçaient prometteurs.
Cependant, la grêle et le mildiou ont pu impacter localement très fortement le rendement : d’une vigne à l’autre et d’un domaine à l’autre. À l’opposé, sur les domaines ayant surmonté les obstacles de ce millésime, les rendements sont parfois très élevés.
Les derniers chiffres de début octobre font ainsi état d’une récolte « moyenne » de 12,6 MhL dans le Languedoc-Roussillon (pour mémoire, elle était de 10,44 MhL en 2017). Sur la région sud-est, la récolte est en hausse par rapport à 2017 (4,2MhL), avec 4,7 MhL (source Agreste); mais en deçà de 11 % par rapport à une récolte moyenne.
Un millésime frais et expressif, malgré la canicule du mois d’août.
Si la période végétative a été très compliquée en terme météorologique, les conditions de récoltes ont été idéales. Les vendanges ont démarré moins précocement qu’en 2017, on se rapproche des dates de vendanges « classiques ».
Le mois de septembre présentait des conditions idéales de récolte : absence de pluie et amplitudes thermiques importantes entre le jour et la nuit (sans coup de chaud). Cette situation nous a permis de vendanger les cépages blancs et rosés dans des conditions fraîches avec une bonne conservation de leur potentiel aromatique.
On a également pu attendre la maturité des vins rouges sereinement, même sur les cépages tardifs comme le mourvèdre.
Du point de vue de l’équilibre, si les premiers contrôles de maturité nous faisaient craindre un millésime un peu mou compte tenu des teneurs en acide malique faibles. Le début des vinifications nous a rassurés sur la fraîcheur aromatique de ce millésime. Certains sauvignons sont exceptionnels !
Concernant les vins rouges, la concentration tannique importante de 2017 a cédé sa place à des vins rouges moins massifs mais déjà harmonieux et fins. En deuxième partie de récolte, on observe cependant quelques effets de concentration. Cela a pu engendrer des difficultés de fermentation alcoolique et parfois des sucres résiduels !
Les grenaches se distinguent par des arômes plus floraux que chocolatés, une structure un peu moins opulente que sur certains millésimes ainsi qu’un potentiel de couleur plus faible. Il a fallu adapter les gestes œnologiques et le travail d’extraction.
Les syrahs de début de vendanges ont pu exprimer des notes fruitées, voir thiolées et constituer ainsi un ingrédient charmant. Les cépages tardifs comme le mourvèdre, les cabernets et le carignan (quand il en restait…) ont réellement bénéficié du beau mois de septembre avec des bouches équilibrées et aromatiques.
Le millésime 2018 est certainement un millésime de souffrance, mais le résultat est beau !
Espérons maintenant que 2019 apporte un peu plus de sérénité aux vignerons !